Véronique Bragard (Université Catholique de Louvain)
Dans ses recherches sur plusieurs romans francophones antillais de l’engagisme, Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo (CNRS) envisage cette écriture ethnographique, voir paralittéraire, comme une réparation de la perte de l’Inde. Elle considère ces romans ‘ratés’ « à l’imagination sans imagination » telles autant de vignettes ethnotextuelles visant à reconstruire la composante indienne avec l’élément créole. Selon elle, ces récits des Kala Pani révèlent combien aux Antilles, les Indiens n’ont pas véritablement eu de possibilité d’expression littéraire et ont été marginalisés par un discours très assimilationniste. Prenant son analyse comme point de départ, je souhaiterais établir une comparaison entre deux romans de ce corpus francophone (Minatchy-Bogat, Terre d’exil et d’adoption (2001) et Laure Moutoussamy, Le Kooli de Morne Cabri (2007), et deux romans de langue anglaise écrits eux aussi par des descendantes d’engagés indiens (Ramabai Espinet The Swinging Bridge (2003) et Shani Mootoo, He Drown She in the Sea (2006)). D’une part, je souhaiterais prolonger la discussion commencée par Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo et tenter de voir si les romans anglophones cherchent également à écrire une histoire collective et personnelle d’une généalogie perdue ou si ces derniers s’en détachent complètement et comment, et d’autre part examiner si les politiques coloniales françaises et anglaises ont pu jouer un rôle différent dans les deux ères linguistiques de la Caraïbe. Ma communication s’attellera en conséquence à explorer dans les quatre romans en question les personnages dans leur « mimicry » (Bhabha) et relations interculturelles ainsi que les éléments culturels qui marquent un retour du discours des origines.