Ute Fendler (Université de Bayreuth)
La plantation est reconnue comme un élément constitutif commun aux pays de la Caraïbe, comme Antonio Benítez Rojo l’a montré dans La isla que se repite ou Edouard Glissant dans ses poétiques. Dans les expressions caribéennes se dessine ainsi un « imaginaire de la plantation » qui fait jouer les motifs de la fuite, la rébellion ou encore la figure du nègre marron. L’idée que ces motifs historiques soient constitutifs d’une identité caribéenne transgressant les frontières linguistiques et nationales se manifeste dans la récurrence des thèmes historiques abordés par les œuvres produites dans l’espace Caraïbe ainsi que par la reprise de ces motifs pour les lier à l’actualité sociale et politique. Le dynamisme de cet espace Caraïbe nourri d’un imaginaire de la plantation se manifeste également dans les œuvres filmiques, qui restent moins connues que les productions littéraires. Les cinéastes visent à mettre en images précisément les motifs et les mythes caribéens mentionnés ci-dessus. Deux types de narration se laissent distinguer : celle qui tente d’illustrer (de mettre en images) le passé dans le but de construire un imaginaire et une mémoire communs et celle qui vise à mettre à jour les mécanismes sous-jacents d’un système de domination, d’oppression et de contrôle. Un film de fiction comme Sucre Amer du Martiniquais Christian Lara fait surtout revivre l’histoire. Ces images trouvent un écho dans La última cena du Cubain Tomas Gutierrez Alea, même s’il ne s’agit pas d’une simple illustration de l’histoire, mais plutôt d’une analyse des mécanismes du système esclavagiste comme base de la société de plantation. Les images se répètent encore dans Barroco du Mexicain Paul Leduc, qui tente de retracer cette rencontre forcée de cultures dans une perspective diachronique.
Ces films serviront comme corpus de base qui permettra d’analyser la construction d’un imaginaire commun de l’histoire de la Caraïbe à partir de cette répétition de motifs et d’images qui accentuent les parallèles et les constantes d’une île à l’autre. Au-delà de ce fond commun, les démarches esthétiques varient considérablement, car pour les cinéastes, il ne s’agit pas uniquement de visualiser (montrer / mettre en scène) cette époque historique, mais encore de proposer une lecture de l’histoire qui mette au jour (fasse ressortir) les continuités dans le temps et dans l’espace car il ne s’agit pas uniquement de mettre en scène cette époque historique, mais les cinéastes tentent de donner une lecture de cette histoire qui permettrait de voir les continuités dans le temps et l’espace. Enfin le cinéaste haïtien Charles Najman reprend tous ces éléments et semble les mettre en question dans son film Royal bonbon, car si l’on trouve encore dans cette œuvre la volonté de se souvenir de l’histoire, le cinéaste illustre en outre les répercussions de cette histoire sur le présent tout en questionnant les mythes fondateurs de la rébellion, du marronnage face à une actualité dérisoire.