Edouard Glissant et son double: le critique.

Guido Furci (Ecole Normale Supérieure)

Dans son travail critique, Edouard Glissant met souvent en évidence le caractère inaccompli de la production faulknérienne, en laissant transparaître une fascination toute personnelle pour cette incapacité à donner une forme et un destin aux choses, à mettre de l’ordre là où cette entreprise est vouée à l’échec.
C’est à une adhésion seulement partielle aux instances stylistiques du modernisme, fondées, comme dans le cas du principe constitutif du montage, sur la volonté de suggérer des signifiés dans les rapprochements implicites, que Glissant s’efforce de parvenir à son tour, en orientant son œuvre narrative et critique selon trois axes différenciés: (1) l’invention d’une langue, capable de mêler une profusion d’idiomes différents, pour donner naissance à un chant baroque où les couleurs lointaines de la terre d’origine, l’Afrique, se confondent avec l’atmosphère du pays antillais, qui n’a de cesse de se défaire et de se reconstituer; (2) la remise en cause d’une conception de l’Histoire et de la philosophie qui autorise à affirmer une vérité, quelle qu’elle soit, qui reposerait sur une architecture composée de catégories figées; (3) la fondation de ce qu’il définit comme la «poétique de la Relation», l’«esthétique du chaos-monde».
Nous tenterons de cerner ces problèmes, d’une manière certes non exhaustive, mais qui se voudra éclairer, de façon générale, l’engagement d’Edouard Glissant, tant sur le plan littéraire qu’idéologique.